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[LCDL] Prologue


Prologue

Haute dans le ciel, la lune ronde recouvrait le monde des hommes d’une douce lueur blanche. Un vent froid et mordant soufflait entre les arbres de la forêt, brisant le maigre silence de la nuit. Une ombre inquiétante courait sur la neige immaculée. Sans un bruit. Sans une trace. Les ténèbres prenaient le pas sur l’astre lunaire. Au loin le hurlement d’un loup. S’en suivirent d’autres, chantant en cœur une mélodie terrifiante pour le commun des mortels. Le souffle glacé de l’hiver portait leurs voix partout aux alentours. La neige commençait à tomber tandis que les nuages avaient déjà envahis le ciel. La rumeur des loups se fit alors plus lointaine, pareil à un rêve. Il n’y avait plus qu’une légère brise qui faisait danser les flocons. Bientôt ils recouvrirent d’un blanc manteau le sillage laissé par les paysans et les voyageurs. Les campagnes fertiles avaient gelé, emprisonnant avec elles la vie jusqu’au printemps prochain. La saison Morte avait mordu à pleine dents les terres de l'ancienne Britanie romaine.


Un souffle puissant troubla la paix. Une fumée blanche et éphémère brisait la danse légère et gracieuse de la neige. La couverture cotonneuse qui recouvrait le sol était projetée dans tous les sens, défigurant le décor hivernal. Un cheval à la robe blanche galopait avec vaillance, s’enfonçant parfois dans la neige jusqu’au poitrail. Il bondissait allègrement au dessus de tout ce qui lui faisait obstacle, presque comme s’il n’y avait jamais eu de neige devant lui. A sa suite, deux destriers tout aussi robustes. Le voile tendre qui recouvrait l’humus ne leur faisait point peur. Là haut dans le Nord, ils avaient connu des temps plus rudes, la glace et la brûlure du froid. Ils venaient de la lointaine Calédonie que les romains avaient nommé Pictavia. Depuis plusieurs jours ils galopaient à travers les contrées, explorant des régions qu’ils n’avaient jamais foulé de leurs sabots, ne sachant pas où ce voyage allait les mener.


Sans un mot le cavalier de tête talonna sa monture. Lance au poing, c’était une femme à la longue chevelure noire et ondulée. Ses yeux cernés d’un maquillage de cendre noire rendaient la peau de son visage aussi blanche que la neige. Ses épaules étaient recouvertes d’une peau de loup gris, lui donnant une allure inquiétante. Ses vêtements de cuire étaient renforcés par endroit tandis qu’une épaisse ceinture soulignait sa silhouette agile et élancée. Une cape sombre en toile grossière lui tombait sur le dos, cachant la croupe de son cheval. Une expression farouche se dégageait du visage des deux hommes qui l’escortaient. Vêtus d’une façon similaire, ils portaient des plaques d’armures d’un autre âge. Épée à la ceinture, peau de bête sur le dos, ils étaient semblables à deux ours. Les épaules larges, ils avaient la carrure des guerriers légendaires, ceux qui étaient appelés Pictes par les gens qui vivaient de l‘autre coté du mur d‘Hadrien. Ceux là même qui avaient résisté des siècles durant aux romains. Les histoires racontaient que rien ne pouvait arrêter ce peuple, aucun mur n’avait su repousser à leurs attaques foudroyantes et meurtrières. Jamais le puissant empire latin n’avait pu régner au delà du grand mur. Puis les légendes se firent muettes. Les Pictes s’en étaient retournés dans le Nord, là où l’hiver ne semblait pas connaître de fin. Engloutissant avec eux des secrets sur la sombre guerre qu’ils avaient gagné au prix du sang et de la vie. Mais pour combien de temps encore ? Ce n’était qu’une notion abstraite pour ce peuple belliqueux mais terriblement patient. Tapis dans l’ombre, attendant le moment propice pour fondre de nouveau sur l’ennemi et lui affliger les maux les plus terribles pour le corps et l’âme.


Le chant des loups résonna à nouveau dans la foret, donnant force et courage à la petite troupe du Nord qui émergeait à la lisière des arbres. Les flocons avaient cessé de danser avec la brise tandis que les chevaux galopaient à vive allure. Des volutes de vapeur blanche continuaient de s’échapper de leurs naseaux à chaque souffle. Dans la nuit, ils ressemblaient à un monstre, terrifiant et maléfique. Parfois des villageois les voyaient au loin et pensaient à des fantômes. Ils apparaissaient et disparaissaient sans plus laisser de traces. Beaucoup croyaient qu’il s’agissait de magie ou bien des ancêtres qui s’en allaient au combat dans l’autre monde. Les pictes avaient la fâcheuse tendance à ne jamais prendre les routes et les chemins tracés par les hommes, préférant couper à travers champs, empruntant des sentiers qu’eux seuls pouvaient connaître. Devenus Légendaires, ils continuaient de circuler dans le pays en quête de nouvelles batailles à mener ou d’alliances à former. Mais personne ne parvenait à les voir et monter dans le Nord était une pure folie de mortel. Alors s’agissait-il d’une fantaisie pour faire peur aux enfants le soir ou bien d’une obscure réalité ?


Ils disparurent soudainement en s’engouffrant de nouveau dans la foret. Le calme de l’hiver revint. Troublé dans la paix du sommeil gelé, cela n’avait compté que comme un instant. La vie allait et venait par ses sentiers sans que la nature ne puisse avoir quelque chose à y redire. Pour les humains qui s’attardaient trop longtemps, il avait fort à parier que l’ombre spectrale de la mort viendrait à planer sur eux. Dans cette contrée la menace avait plus de visages que n’importe lequel de ces dieux. Ils portaient tous la marque rouge qui souillait la neige à gros bouillon. Mais, il ne s’agissait que d’histoires venant souvent de l’imaginaire des Hommes. Quand bien même tout cela n’aurait été qu’un rêve, pouvait-on sincèrement croire en une barbarie farouche ? Une boucherie humaine sans fondement et sans fin. Car de tout temps les hommes se se battaient et se battront encore, il leur suffisait d’un prétexte pour mettre la terre à feu et à sang. Parce qu’il était dans leur nature profonde de s’entre déchirer les un les autres pendant que la Nature s’affairait loin de la bêtise. A chaque époque son lot de larmes et d’horreur. La Paix était un mot qui résonnait dans les esprits, pendu aux lèvres sans parvenir à prendre place sur la terre des hommes.

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